Ce que change le projet de loi 64 pour la protection des données au Québec
Un texte de loi peut bouleverser davantage la vie quotidienne qu’un changement de gouvernement. C’est le cas du Projet de loi 64, qui rebat les cartes de la protection des données personnelles au Québec. Derrière l’énoncé législatif, une réalité s’impose : la collecte, le traitement et la divulgation des renseignements personnels ne seront plus jamais des actes anodins. Les entreprises et organismes publics québécois sont désormais placés face à des exigences qui ne laissent plus de place à l’improvisation lorsqu’il s’agit de garantir la confidentialité des données des citoyens.
Ce virage s’inspire sans détour du célèbre RGPD européen et fait planer la menace de sanctions lourdes pour quiconque tenterait de s’en affranchir. Ce texte marque un réel basculement dans la façon dont la société québécoise entend défendre le droit à la vie privée.
Plan de l'article
Contexte et objectifs du projet de loi 64
Adopté par l’Assemblée nationale le 21 septembre 2021, puis sanctionné dans la foulée, le Projet de loi n° 64 marque une transformation majeure du cadre québécois en matière de protection des renseignements personnels. Cette réforme, portée par le gouvernement du Québec et supervisée par la Commission d’accès à l’information (CAI), affiche clairement ses ambitions et ses influences. L’esprit du RGPD européen y souffle ouvertement et vient inspirer chaque articulation du texte.
Objectifs principaux
Plutôt qu’un simple ajout de règles, le projet entend remodeler le paysage des données au Québec. Les points suivants résument les intentions du législateur :
- Renforcer la protection des renseignements personnels : la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (LPRPSP) s’équipe d’exigences modernes, pensées pour le numérique d’aujourd’hui.
- Garantir la transparence : il s’agit désormais d’expliquer, sans détour, comment chaque donnée collectée sera utilisée ou partagée.
- Augmenter la responsabilité : chaque organisme devra instaurer de réels mécanismes de gouvernance et conduire des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) dès qu’un projet impliquera des renseignements personnels.
Inspirations et influences
Le projet de loi 64 va au-delà de la simple modernisation. Il introduit ici, pour la première fois au Québec, le droit à l’oubli et la portabilité des données, deux leviers de contrôle déjà en place dans l’Union européenne. La volonté est claire : permettre aux citoyens québécois de rejoindre la mouvance internationale en matière de respect de la vie privée. Un choix de société, bien ancré dans son temps.
Les principaux changements apportés par la loi
Le Projet de loi n° 64 modifie en profondeur la gestion des renseignements personnels : on ne parle plus de simples ajustements, mais d’un vrai changement de culture pour toutes les entreprises et organismes publics.
Obligations de gouvernance des données
Désormais, chaque entreprise doit désigner un responsable de la protection des renseignements personnels. Cette personne devient chef d’orchestre, à la manœuvre pour assurer la conformité, mais aussi la veille et la gestion des incidents liés aux données.
Sanctions administratives et pénales
La loi n’hésite pas à manier la dissuasion : elle introduit des sanctions administratives et pénales pouvant égaler, voire dépasser, les montants observés jusque-là. Impossible de traiter la conformité à la légère sous ce nouveau régime.
Droit à l’oubli et portabilité des données
Demander la suppression de ses propres informations ou choisir de transférer ses données d’un service à un autre : ces droits, longtemps considérés comme des avancées européennes, entrent enfin dans le quotidien des citoyennes et citoyens du Québec. L’utilisateur redevient maître de son identité numérique.
Évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP)
La prévention n’est plus un simple voeu pieux. Chaque nouveau projet utilisant des renseignements personnels devra faire l’objet d’une EFVP. Ce processus, intégré en amont, permet d’identifier les zones à risque et de déployer, dès la conception, de véritables garde-fous.
Avec toutes ces exigences, le Québec ne se contente pas de s’aligner : il se hisse au niveau des standards internationaux, prêt à répondre aux exigences sociales que soulève la gestion moderne des données.
Impacts sur les entreprises et les citoyens
La réforme ne se contente pas de changer la théorie : elle impose des transformations concrètes dans toutes les organisations québécoises. Voici comment cela se traduit sur le terrain :
- La nomination d’un responsable de la protection des renseignements personnels devient incontournable. Il s’agit d’un véritable pivot, qui centralise les questions de conformité au sein de chaque structure.
- Instituer et documenter des politiques internes sur la gestion des données devient la norme.
- Aucun projet n’échappe désormais à l’EFVP : chaque démarche nouvelle impliquant des renseignements personnels passe par cette évaluation, ajustant les pratiques et limitant les risques avant même de lancer le moindre développement.
Ce renforcement des règles a des conséquences directes : des formations à prévoir, des systèmes d’information à adapter, des audits internes à organiser… Les coûts et les efforts sont là, mais la perspective d’une gestion des données à la fois plus sûre et plus transparente séduit aussi partenaires et clients. Montrer patte blanche sur ce sujet peut devenir un avantage concurrentiel, dans une ère où la confiance est une monnaie rare.
Côté citoyen, le changement se fait sentir : accès plus aisé à l’information, contrôle accru sur leurs données personnelles, nouveaux droits à la suppression ou au transfert… Pour beaucoup, il s’agit d’une respiration bienvenue face au sentiment d’impuissance numérique qui dominait.
La Commission d’accès à l’information (CAI) acquiert également de nouveaux leviers. Ses capacités de contrôle et de sanction s’étendent franchement. Toute négligence est désormais susceptible de se solder par une procédure et une amende bien réelle, la gestion superficielle est écartée d’emblée.
| Obligation | Impact |
|---|---|
| Nomination d’un responsable | Renforcement des structures internes |
| Évaluations des facteurs relatifs à la vie privée | Identification et atténuation des risques |
| Droit à l’oubli et portabilité | Augmentation du contrôle des citoyens |
| Sanctions administratives et pénales | Incitation à la conformité |
Dès lors, le projet de loi n° 64 pose un jalon net sur le terrain de la protection des données. Les règles du jeu sont posées, avec des instruments concrets pour organiser et surveiller la circulation des informations personnelles au Québec.
Calendrier de mise en application et prochaines étapes
La mise en œuvre s’étale sur trois ans : cette période de transition a été pensée pour que chaque organisation puisse réadapter ses méthodes et intégrer ces nouvelles exigences un pas à la fois.
Phases de mise en œuvre
Voici les dates clés auxquelles il faudra se référer :
- 22 septembre 2022 : désignation obligatoire d’un responsable de la protection des renseignements personnels dans chaque structure.
- 22 septembre 2023 : les règles sur les EFVP et la gouvernance renforcée des données deviennent applicables.
- 22 septembre 2024 : l’ensemble des dispositions prend effet, avec mise en marche des sanctions prévues en cas de manquement.
Prochaines étapes
Pour s’ajuster, les organisations doivent maintenant :
- Analyser puis mettre à jour leurs politiques internes de gestion des données.
- Sensibiliser et former l’ensemble du personnel aux nouvelles exigences.
- Multiplier les audits pour s’assurer qu’aucune faille ne subsiste, et éviter ainsi d’entrer dans le radar de la CAI pour de mauvaises raisons.
Pour accompagner cette mutation, des ressources et outils gouvernementaux sont accessibles. Désormais, défendre les renseignements personnels n’est plus seulement un atout de communication : c’est une condition de survie, une exigence qui s’impose à tous, grands ou petits acteurs. Le compte à rebours s’est enclenché : rester en retrait ou passer à l’action, chacun devra choisir son camp face à ce nouvel horizon réglementaire.

